Si elle savait

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Si elle savait
Si elle savait
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Oxuyur Emanuel Wickenburg
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CHAPITRE QUATRE

Bien que Kate n’ait plus son ancien identifiant du FBI, elle avait toujours son vieux badge. Il trônait au-dessus de la cheminée, telle une relique venant d’une autre époque, comme une vieille photo fanée. Quand elle quitta le commissariat du troisième district, elle rentra chez elle pour aller le chercher. Elle envisagea également d’emporter son arme et elle hésita longuement avant de finir par la laisser dans le tiroir de sa table de chevet. L’emporter avec elle pour ce qu’elle était sur le point de faire, c’était probablement chercher des problèmes inutiles.

En revanche, elle décida d’emporter les menottes qu’elle gardait dans une boîte à chaussures sous son lit avec quelques autres souvenirs de sa carrière au FBI.

Juste au cas où.

Elle quitta sa maison et se mit à rouler en direction de l’adresse que Deb lui avait donnée. C’était une adresse dans le quartier de Shockoe Bottom, à environ vingt minutes de route de chez elle. Elle n’était pas nerveuse mais elle était tout de même un peu excitée. Elle savait qu’elle ne devrait pas faire ça, mais en même temps, elle était heureuse d’être à nouveau sur le terrain et en mode chasse – même si c’était en secret.

Au moment où elle arriva à l’adresse de l’ancien petit ami de Julie Hicks, un type du nom de Brian Neilbolt, Kate vit mentalement le visage de son mari. Il lui apparaissait de temps en temps mais parfois, il semblait être là pour y rester un moment. Son visage lui apparut au moment où elle tourna dans la rue de Brian Neilbolt. Il secouait la tête d’un air désapprobateur.

Kate, tu sais que tu ne devrais pas faire ça, avait-il l’air de lui dire.

Elle eut un petit sourire. Parfois, son mari lui manquait atrocement, ce qui contrastait avec le fait qu’elle ait l’impression d’être parvenue à surmonter son décès plutôt rapidement.

Elle balaya ces souvenirs de son esprit au moment où elle se gara devant l’adresse que Deb lui avait donnée. C’était une maison plutôt jolie, divisée en deux appartements différents avec des porches séparant les propriétés. Quand elle sortit de voiture, elle sut tout de suite qu’il y avait quelqu’un à la maison car elle entendit des éclats de voix venant de l’intérieur.

Quand elle monta les marches qui menaient au porche, elle eut l’impression de retourner un an en arrière. Elle avait de nouveau l’impression d’être un agent, malgré l’absence de son arme à la ceinture. Mais vu qu’elle n’était en fait qu’un agent à la retraite, elle ne savait pas du tout ce qu’elle allait dire après avoir frappé à la porte.

Mais ça ne l’arrêta pas. Elle frappa à la porte avec la même autorité qu’elle l’aurait fait un an plus tôt. En entendant les éclats de voix venant de l’intérieur, elle se dit qu’il valait mieux s’en tenir à la vérité. Mentir dans une situation à laquelle elle ne devrait même pas prendre part, ne ferait qu’empirer sa situation si elle était prise sur le fait.

L’homme qui ouvrit la porte prit un peu Kate par surprise. Il devait faire un mètre quatre-vingt-dix et il était vraiment très musclé. Rien que ses épaules montraient qu’il s’entraînait sérieusement. Il aurait facilement pu passer pour un catcheur professionnel. Elle remarqua également qu’il avait l’air très en colère.

« Oui ? » demanda-t-il. « Qui êtes-vous ? »

Elle fit alors un mouvement qui lui avait vraiment manqué. Elle lui montra son badge. Elle espérait que la vue de son insigne pourrait avoir un certain point pour contrebalancer son entrée en matière. « Je m’appelle Kate Wise. Je suis un agent du FBI à la retraite. J’espérais que vous auriez quelques instants à me consacrer. »

« À quel sujet ? » demanda-t-il, sur un ton rapide et irrité.

« Êtes-vous Brian Neilbolt ? » demanda-t-elle.

« Oui. »

« Alors votre ex petite amie était Julie Hicks, c’est bien ça ? Julie Meade, de son nom de jeune fille ? »

« Ah merde, c’est encore à ce sujet ? Écoutez, les flics m’ont déjà embarqué et interrogé. Et maintenant, quoi ? Le FBI ? »

« Rassurez-vous, je ne suis pas là pour vous faire un interrogatoire. Je veux juste vous poser quelques questions. »

« À mes yeux, ça m’a tout l’air d’être un interrogatoire, » dit-il. « De plus, vous m’avez dit être à la retraite. Du coup, je suis presque certain de n’avoir aucune obligation de faire quoi que ce soit que vous me demandiez. »

Elle fit semblant d’être blessée à ces mots, en détournant le regard. Mais en fait, elle regardait au-delà de ses épaules imposantes, vers l’espace qui se trouvait derrière lui. Elle vit une valise et deux sacs à dos appuyés contre le mur. Elle vit également une feuille de papier posée au-dessus de la valise. Le grand logo qui s’y trouvait lui apprit qu’il s’agissait de l’impression d’un reçu d’Orbitz. Apparemment, Brian Neilbolt quittait la ville.

Pas vraiment le meilleur des scénarios après que son ex petite amie ait été assassinée et avoir été emmené par la police avant d’être immédiatement relâché.

« Où est-ce que vous partez ? » demanda Kate.

« Ce n’est pas vos affaires. »

« À qui parliez-vous au téléphone d’une voix aussi forte avant que je ne frappe à votre porte ? »

« À nouveau, ce n’est pas vos affaires. Maintenant, si vous voulez bien m’excuser… »

Il fit un mouvement pour fermer la porte mais Kate s’obstina. Elle fit un pas en avant et cala son pied entre la porte et l’embrasure.

« Monsieur Neilbolt, je ne vous demande que cinq minutes de votre temps. »

Elle vit la colère l’envahir mais il finit par se calmer. Il baissa la tête et pendant un instant, il eut l’air presque triste. Il avait la même expression que Kate avait vue sur le visage des Meade.

« Vous m’avez bien dit que vous étiez un agent à la retraite, n’est-ce pas ? » demanda Neilbolt.

« Oui, c’est bien ça, » dit-elle.

« À la retraite, » dit-il. « Alors, foutez-moi le camp de mon porche. »

Elle resta inébranlable, bien décidée à montrer qu’elle n’avait aucune intention d’aller où que ce soit.

« Je vous ai dit de foutre le camp de mon porche ! »

Il hocha la tête puis tendit le bras pour la repousser. Elle sentit la puissance de ses mains au moment où elles lui touchèrent l’épaule et elle agit aussi rapidement qu’elle le put. Elle fut surprise par la rapidité avec laquelle ses réflexes et ses muscles réagirent.

Au moment où elle tomba en arrière, elle entoura le bras droit de Neilbot de ses deux bras. Au même moment, elle mit un genou à terre pour reprendre son équilibre. Elle fit ensuite de son mieux pour le faire tomber d’un coup de hanche mais son poids était trop lourd à faire basculer. Quand il se rendit compte de ce qu’elle essayait de faire, il lui assena un coup de coude violent dans les côtes.

Kate eut le souffle coupé pendant un instant. Mais en lui assénant un coup de coude, il s’était également déséquilibré. Elle en profita pour essayer à nouveau de le faire tomber et cette fois-ci, elle y parvint. Et vu qu’elle y mit toutes ses forces, ça marcha un peu mieux que prévu.

Neilbot valsa en bas du porche et finit sa course en heurtant les deux premières marches de l’escalier. Il hurla de douleur mais il essaya de se remettre tout de suite debout. Il leva les yeux vers elle d’un air choqué, en essayant de comprendre ce qui venait de se passer. Envahi par la rage et la surprise, il remonta les escaliers en titubant. Il était manifestement sonné.

Elle feignit un coup de genou en direction de son visage au moment où il atteignit le haut des escaliers. Au moment où il esquiva, elle le prit par le côté du visage et se mit à nouveau à genoux. Elle lui plaqua le visage contre le sol, pendant que ses bras et ses jambes luttaient pour chercher une prise sur les escaliers. Elle sortit ensuite les menottes de l’intérieur de sa veste et les lui passa avec une rapidité et une aisance que seuls trente ans d’expérience peuvent apporter.

Elle s’éloigna d’un pas et le regarda. Il ne cherchait pas à lutter contre les menottes. Il avait plutôt l’air sonné, en fait.

Quand Kate chercha son téléphone pour appeler la police, elle se rendit compte que sa main tremblait. Elle était gonflée à bloc, remplie d’adrénaline. Elle réalisa qu’elle avait un sourire aux lèvres.

Mon dieu, comme ça m’a manqué.

Et cela, bien que le coup qu’elle ait reçu dans les côtes lui fasse vraiment mal – certainement beaucoup plus mal que ça ne l’aurait fait il y a cinq ou six ans. Et est-ce que les articulations de ses genoux avaient toujours été aussi douloureuses après une lutte ?

Elle prit un moment pour se délecter de l’instant présent, puis finit par appeler la police. Pendant ce temps, Brian Neilbolt resta sonné à ses pieds, se demandant peut-être comment une femme qui devait avoir au moins vingt ans de plus que lui, avait bien pu lui botter les fesses de cette manière.

CHAPITRE CINQ

À vrai dire, Kate s’attendait un peu à un retour de flamme après ce qu’elle venait de faire, mais pas au point de ce qu’elle vécut quand elle arriva au commissariat du troisième district. Elle sut que quelque chose se préparait au moment où elle vit la manière dont la regardaient les policiers qui passaient à côté d’elle, alors qu’ils étaient occupés à leurs tâches journalières. Certains regards étaient pleins d’admiration, alors que d’autres la reluquaient de manière franchement ridicule.

Kate préféra les ignorer. Elle était encore trop énervée par sa confrontation sur le porche de Neilbolt pour s’en préoccuper.

Après avoir attendu quelques minutes dans le hall d’entrée, un policier à l’air nerveux s’approcha d’elle. « Vous êtes madame Wise, n’est-ce pas ? » demanda-t-il.

 

« Oui. »

Elle vit dans ses yeux qu’il avait déjà entendu parler d’elle. Autrefois, c’était un regard qu’elle avait à chaque fois qu’un policier ou un agent qui ne la connaissait que par réputation, la rencontrait pour la première fois. C’était un regard qui lui manquait beaucoup.

« Le commissaire Budd voudrait vous parler. »

Elle fut assez surprise. Elle s’attendait plutôt à parler à quelqu’un comme le commissaire adjoint Greene, par exemple. Bien qu’il ait été dur avec elle au téléphone, elle savait qu’il pouvait être plus facilement persuadé en face à face. En revanche, le commissaire Randall Budd était le genre de type qui ne se laissait pas amadouer par des balivernes. Elle ne l’avait rencontré qu’une seule fois, il y a quelques années. Elle ne se rappelait même plus en quelle occasion mais en revanche, elle se rappelait très bien que Budd lui avait laissé l’impression d’être quelqu’un de déterminé et strictement professionnel.

Mais Kate n’avait pas envie d’avoir l’air intimidée ou préoccupée. Alors, elle se leva et suivit le policier. Ils quittèrent la salle d’attente et traversèrent un espace ouvert. Ils passèrent à côté de plusieurs bureaux et elle se sentit observée par les policiers qui y étaient assis. Ils traversèrent un couloir, au milieu duquel s’ouvrait la porte menant au bureau de Randall Budd. La porte était ouverte, comme s’il attendait sa venue depuis déjà un petit temps.

Le policier ne lui dit pas un mot de plus. Une fois qu’il l’eut accompagnée jusqu’au bureau de Budd, il tourna les talons et repartit. Kate regarda dans le bureau et vit le commissaire Budd qui lui faisait signe d’entrer.

« Entrez, » dit-il. « Je ne vais pas vous mentir. Je ne suis pas content mais je ne mords pas. Vous pouvez refermer la porte derrière vous ? »

Kate obéit et entra, en refermant la porte. Puis elle s’assit sur l’une des trois chaises qui se trouvaient en face du bureau de Budd. Sur la table, il y avait plus d’objets personnels que de documents en rapport avec le boulot : des photos de famille, une balle de baseball dédicacée, une tasse de café personnalisée et une sorte de douille souvenir posée sur une plaque.

« Laissez-moi commencer par vous dire que je suis au courant de vos impressionnants états de service, » dit Budd. « Plus d’une centaine d’arrestations au cours de votre carrière. Première de classe à l’académie. Médailles d’or et d’argent dans huit tournois consécutifs de kickboxing en plus de l’entraînement de base du FBI où vous avez également excellé. Votre nom circulait dans le métier, à l’époque où vous étiez en service. Et la plupart des officiers des forces de police de l’état de Virginie vous respectent au plus haut point. »

« Mais ? » dit Kate. Elle ne disait pas ça dans le but d’être drôle. Elle cherchait juste à lui dire qu’elle était tout à fait capable d’être réprimandée… bien qu’elle ne pense pas vraiment le mériter.

« Mais malgré ça, vous n’avez pas le droit d’aller agresser les gens, juste parce que vous pensez qu’ils peuvent être impliqués dans la mort de la fille de l’une de vos amies. »

« Je ne suis pas allée le voir avec l’intention de l’agresser, » dit Kate. « Je suis allée le voir pour lui poser quelques questions. Quand il a commencé à m’agresser physiquement, je n’ai fait que me défendre. »

« Il a dit à mes hommes que vous l’aviez jeté en bas des escaliers et que vous lui aviez frappé la tête contre le sol. »

« On ne va quand même pas me reprocher d’avoir été plus forte que lui, non ? » demanda-t-elle.

Budd se mit à la regarder attentivement. « Je n’arrive pas à dire si vous essayez d’être drôle en prenant tout ça à la légère, ou si c’est vraiment votre attitude de tous les jours. »

« Commissaire, je comprends votre situation. Je sais que cela vous cause des ennuis qu’une femme de cinquante-cinq ans à la retraite ait rossé un type que vos hommes ont brièvement interrogé avant de le relâcher. Mais je voudrais que vous compreniez que… je n’ai rendu visite à Brian Neilbolt que parce que mon amie me l’avait demandé. Et franchement, quand j’en ai su un peu plus à son sujet, je me suis dit que ce n’était probablement pas une mauvaise idée. »

« Alors vous avez juste supposé que mes hommes n’avaient pas bien fait leur boulot ? » demanda Budd.

« Je n’ai rien dit de tel. »

Budd leva les yeux au ciel et soupira. « Écoutez, je ne cherche pas à en débattre de toute façon. Franchement, j’adorerais vraiment qu’une fois que vous sortiez de mon bureau, nous en ayons fini avec cette histoire et que ce soit un sujet clos. Mais il faut que vous compreniez que vous avez dépassé les bornes sur ce coup-là. Et si vous me faites encore un coup pareil, je vais devoir vous placer en état d’arrestation. »

Il y avait plusieurs choses que Kate avait envie de lui dire en guise de réponse. Mais elle se dit que si Budd était disposé à laisser tomber les argumentations, alors elle pouvait en faire de même. Elle savait qu’il était tout à fait en son pouvoir de lui mettre vraiment la pression, alors elle décida de rester aussi courtoise que possible.

« Je comprends, » répondit-elle.

Budd eut l’air de réfléchir à quelque chose pendant un instant avant de se croiser les mains sur le bureau, comme s’il essayait de se concentrer. « Et juste pour que vous le sachiez, nous sommes certains que Brian Neilbolt n’a pas tué Julie Hicks. Il apparaît sur des caméras de sécurité à l’extérieur d’un bar, le soir où elle a été assassinée. Il y est entré vers vingt-deux heures et il y est resté jusqu’après minuit. Entre une heure et trois heures du matin, il a ensuite échangé des messages avec une femme avec qui il a actuellement une aventure. Ce n’est pas lui, l’assassin. Ce n’est pas notre type. »

« Il avait ses valises prêtes, » dit Kate. « Comme s’il cherchait à quitter la ville le plus vite possible. »

« Dans les échanges de messages avec sa copine actuelle, ils parlaient d’aller à Atlantic City. Ils étaient censés partir cet après-midi. »

« Je vois. » Kate hocha la tête. Elle n’était pas vraiment désolée en soi, mais elle commençait à regretter d’avoir agi de manière aussi agressive sur le porche de Neilbolt.

« Il y a autre chose, » dit Budd. « Et à nouveau, il faut que vous compreniez la position dans laquelle je me trouve. Je n’ai pas eu d’autre choix que de contacter vos anciens supérieurs au FBI. C’est le protocole. Je suis sûr que vous le savez. »

Oui, elle le savait mais franchement, elle n’y avait pas pensé. Une légère sensation d’agacement commença à lui ronger le ventre.

« Je sais, » dit-elle.

« J’ai parlé avec le directeur adjoint Duran. Il n’était pas content et il veut vous parler. »

Kate leva les yeux au ciel et hocha la tête. « OK. Je l’appellerai et je lui dirai que c’est sur votre ordre. »

« Non, vous ne comprenez pas, » dit Budd. « Ils veulent vous voir. À Washington. »

Et sur ces mots, l’agacement qu’elle ressentait se transforma instantanément en une sensation qu’elle n’avait plus ressentie depuis longtemps : une véritable préoccupation.

CHAPITRE SIX

Après sa réunion avec le commissaire Budd, Kate passa les coups de fil nécessaires afin d’informer ses anciens supérieurs qu’elle avait bien reçu leur requête de venir en personne à Washington. Aucune information ne lui fut communiquée par téléphone et elle n’eut l’occasion de parler avec aucun de ses supérieurs. Elle laissa par conséquent quelques messages plutôt désagréables à deux pauvres réceptionnistes – ce qui lui permit par la même occasion de soulager un peu son stress.

Elle quitta Richmond le lendemain matin à huit heures. Bizarrement, elle était plus excitée que préoccupée par l’idée de se rendre à Washington. Elle se sentait comme une jeune diplômée qui reviendrait sur le campus où elle avait étudié, après en avoir été éloignée pendant un temps. Le FBI lui avait horriblement manqué au cours de cette dernière année et elle était vraiment impatiente de retourner dans cet environnement qui lui était si familier… même si c’était pour être sanctionnée.

Pour se distraire sur le trajet, elle écouta un podcast sur le cinéma – une suggestion que lui avait faite sa fille. Après cinq minutes, elle n’entendit même plus les commentateurs et elle se mit à penser aux dernières années de sa vie. D’une manière générale, elle n’était pas du genre sentimental mais pour une raison qu’elle ne s’expliquait pas, elle avait tendance à devenir nostalgique et pensive quand elle était sur la route.

Alors au lieu de se concentrer sur le podcast, elle se mit à penser à sa fille – sa fille enceinte, qui allait accoucher dans cinq semaines. Le bébé était une petite fille, qui porterait le nom de Michelle. Le père du bébé était un type plutôt bien, mais selon Kate, il ne serait jamais vraiment assez bien pour Melissa Wise. Melissa, que Kate appelait Lissa depuis le moment où elle avait commencé à marcher à quatre pattes, vivait à Chesterfield, un quartier qui faisait techniquement partie de Richmond mais qui était considéré comme différent par ceux qui y vivaient. Kate ne l’avait jamais dit à Melissa, mais c’était la raison pour laquelle elle était revenue vivre à Richmond. Ce n’était pas uniquement à cause des liens qu’elle y avait créés suite à ses études universitaires, mais c’était surtout parce que c’était là où se trouvait sa famille – où son premier petit-enfant allait vivre.

Une petite-fille, pensait souvent Kate. Comment Melissa en est-elle arrivée là ? Et du reste, comment y suis-je arrivée moi, à cet âge ?

Et quand elle pensait à Melissa et à la future Michelle, Kate finissait toujours par repenser à son défunt mari. Il avait été assassiné six ans plus tôt, tué d’une balle dans la nuque alors qu’il promenait leur chien le soir. Son portefeuille et son téléphone avaient été volés et on l’avait appelée pour qu’elle vienne l’identifier, moins de deux heures après qu’il soit sorti de chez eux pour promener le chien.

C’était une blessure qui était encore douloureuse mais elle parvenait bien à le dissimuler. Quand elle avait pris sa retraite du FBI, elle l’avait fait avec huit mois d’avance par rapport à l’âge officiel de la retraite. Mais elle avait été incapable de dédier tout son temps, toute son attention et toute sa concentration à son travail, après avoir finalement éparpillé les cendres de Michael sur un vieux terrain de baseball abandonné, près de chez lui à Falls Church.

C’était peut-être la raison pour laquelle elle avait été aussi triste d’avoir quitté son boulot. Elle était partie des mois avant de devoir le faire légalement. Qu’est-ce que ces mois supplémentaires auraient pu lui offrir ? Qu’aurait-elle pu accomplir d’autre dans sa carrière ?

Elle s’était toujours posé ces questions mais sans jamais regretter sa décision. Michael avait mérité toute son attention pendant au moins quelques mois. En fait, il méritait bien plus que ça mais elle savait que, même dans l’au-delà, Michael n’aurait jamais voulu qu’elle abandonne son boulot pendant trop longtemps. Pour surmonter ce deuil, il aurait su qu’elle avait vraiment besoin de continuer à travailler au FBI aussi longtemps qu’elle en était émotionnellement capable après sa mort.

Alors qu’elle se rapprochait de Washington, elle fut soulagée de se rendre compte qu’elle n’avait pas l’impression de trahir Michael. Personnellement, elle pensait que la mort n’était pas une fin. Elle ne savait pas si cela signifiait que le paradis existait ou si la réincarnation était possible, et franchement, cela ne la dérangeait absolument pas de ne pas savoir. Mais elle savait que, peu importe où se trouve Michael, il serait content de savoir qu’elle retournait à Washington – même si c’était pour y être sévèrement réprimandée.

Au contraire, il était probablement occupé à rire à ses dépens.

Cela fit sourire Kate malgré elle. Elle éteignit le podcast et se concentra sur la route et sur ses pensées. Et sur le fait que, même si elle avait gaffé, finalement la vie était toujours cyclique de par nature.

***

Elle ne se sentit pas spécialement envahie d’émotions au moment où elle passa les portes et pénétra dans le grand hall d’entrée du FBI. Au contraire, elle fut très consciente du fait qu’elle n’y avait plus sa place – un peu comme si elle revenait dans son ancien lycée et se rendait compte que les couloirs la rendaient triste plutôt que nostalgique.

 

Il n’empêche que cette sensation de se retrouver dans un milieu familier était tout de même agréable. En dépit du fait qu’elle se sente légèrement décalée, elle avait tout de même l’impression de ne pas avoir été absente pendant si longtemps, après tout. Elle traversa le hall d’entrée, se présenta à la réception et se dirigea vers les ascenseurs comme si sa dernière visite remontait à la semaine dernière. Même l’espace confiné de l’ascenseur était réconfortant, au moment où elle monta vers le bureau du directeur adjoint Duran.

Quand elle sortit de l’ascenseur et entra dans la salle d’attente de Duran, elle vit la même réceptionniste qui se trouvait déjà au même poste un an plus tôt. Elles n’avaient jamais été spécialement proches mais la réceptionniste se leva de sa chaise et se précipita pour venir la saluer.

« Kate ! Je suis vraiment contente de te voir ! »

Heureusement, le nom de la réceptionniste lui revint en mémoire juste au bon moment. « Ça me fait plaisir aussi, Dana, » dit Kate.

« J’ai toujours pensé que la retraite, ce ne serait pas ton truc, » plaisanta Dana.

« De fait, c’est d’un ennui mortel. »

« Vas-y, entre, » dit Dana. « Il t’attend. »

Kate frappa à la porte du bureau, en se rendant compte que même la réponse un peu bourrue qu’elle entendit de l’autre côté de la porte la mettait à l’aise.

« C’est ouvert, » dit la voix du directeur adjoint Vince Duran.

Kate ouvrit la porte et entra. Elle était prête à voir Duran, elle s’était préparée psychologiquement à cette réunion. Mais en revanche, ce à quoi elle ne s’attendait pas, c’était de voir son ancien partenaire. Logan Nash lui sourit dès qu’il la vit et se leva de l’une des chaises qui se trouvaient devant le bureau de Duran.

Duran regarda un moment ailleurs, le temps des retrouvailles. Kate et Logan Nash s’embrassèrent en une étreinte amicale. Elle avait travaillé avec Logan pendant les huit dernières années de sa carrière. Il avait dix ans de moins qu’elle mais il était déjà bien parti pour avoir une carrière brillante au moment où elle était partie à la retraite.

« Ça me fait vraiment plaisir de te revoir, Kate, » lui dit-il tout bas à l’oreille, au moment où ils s’embrassèrent.

« À moi aussi, » dit-elle. Elle fut comblée de joie en se rendant tout doucement compte que, peu importe ce qu’elle en disait, cette partie de sa vie lui avait profondément manqué au cours de l’année qui s’était écoulée.

Une fois qu’ils eurent terminé de s’embrasser, ils s’assirent en face de Duran avec un air un peu gêné. Lorsqu’ils travaillaient ensemble, ils s’étaient retrouvés assis exactement au même endroit à de nombreuses reprises. Mais ça n’avait jamais été pour une question de discipline.

Vince Duran prit une profonde inspiration, puis soupira. Kate ne parvenait pas encore à dire à quel point il était fâché.

« Bon, ne tournons pas autour du pot, » dit Duran. « Kate, vous savez pourquoi vous êtes là. J’ai promis au commissaire Budd que je gérerais efficacement cette situation. Il avait l’air OK avec ça et je suis presque certain que toute cette histoire d’avoir jeté un suspect en bas de son porche finira aux oubliettes. Mais ce que je voudrais savoir, en revanche, c’est comment vous avez atterri sur le porche de ce pauvre type. »

Elle sut tout de suite que la conversation désagréable à laquelle elle s’attendait n’aurait pas lieu. Duran était un type vraiment imposant, il devait peser plus de cent kilos et ce n’était que du muscle. Il avait passé du temps en Afghanistan quand il avait une vingtaine d’années et bien qu’elle ne sache pas en détails ce qu’il y avait fait, il y avait de nombreuses rumeurs à ce sujet. Il avait vu et fait des choses plutôt dures et ça se reflétait souvent sur les traits de son visage. Mais aujourd’hui, il avait l’air de bonne humeur. Elle se demanda si ce n’était pas lié au fait qu’il ne s’adressait plus à elle comme à quelqu’un qui travaillait pour lui. Elle avait presque l’impression de discuter avec un vieil ami.

Par conséquent, il lui fut facile de lui parler du meurtre de Julie Hicks – la fille de son amie, Deb Meade. Elle lui raconta sa visite à la maison des Meade et combien les parents avaient l’air certain concernant l’ex petit ami. Puis elle expliqua en détails la scène sur le porche de Neilbolt, comment elle avait commencé d’abord par se défendre, puis comment elle avait peut-être poussé le bouchon un peu trop loin.

Elle entendit à plusieurs reprise Logan glousser en silence. Pendant ce temps, Duran resta surtout impassible. Quand elle eut terminé, elle attendit sa réaction et elle fut surprise de voir qu’il se contenta de hausser les épaules.

« Écoutez… pour ma part, » dit-il, « je ne vois pas où est le problème. Bien que vous ayez peut-être été mettre votre nez dans une affaire qui ne vous concernait pas, ce type n’aurait pas dû lever la main sur vous – surtout après que vous lui ayez dit que vous étiez un ancien agent du FBI. C’était idiot de sa part. Le seul truc que je pourrais vous reprocher, c’est de l’avoir menotté. »

« Comme je vous le disais… j’admets avoir été un peu trop loin. »

« Toi ? » demanda Logan, en feignant la surprise. « Non ! »

« Que savez-vous au sujet de cette affaire ? » demanda Duran.

« Juste qu’elle a été assassinée chez elle, alors que son mari était en voyage d’affaires. Que l’ex petit ami était la seule piste solide et que la police l’a écarté de manière plutôt rapide. Mais j’ai appris plus tard que son alibi était en béton. »

« Rien d’autre ? » demanda Duran.

« On ne m’a rien dit d’autre. »

Duran hocha la tête et un sourire amical se dessina sur ses lèvres. « Alors, à part jeter des hommes en bas de leur porche, comment ça se passe la retraite ? »

« C’est mortel, » admit-elle. « C’était super les premières semaines mais j’ai très vite commencé à m’ennuyer. Mon boulot me manque. J’ai lu une quantité incroyable d’ouvrages de criminologie et je regarde bien trop d’émissions criminelles à la télé. »

« Vous seriez surprise de savoir le nombre de fois où j’entends ça venant d’agents pendant leurs premiers mois de mise à la retraite. Certains appellent en suppliant pour avoir un boulot quelconque. N’importe quoi. Même du bête travail d’écoutes téléphoniques. »

Kate ne dit rien mais hocha la tête pour indiquer qu’elle comprenait très bien ce sentiment.

« Mais le fait est que vous n’avez pas appelé, » dit Duran. « Pour être tout à fait franc, je m’attendais à ce que vous le fassiez. J’ai toujours pensé que vous ne pourriez pas décrocher aussi facilement. Et ce petit incident me prouve bien que j’avais raison. »

« Avec tout le respect que je vous dois, » dit Kate, « vous m’avez convoquée ici pour me réprimander pour ce que j’ai fait ou pour me rappeler combien j’ai du mal à oublier mon ancien boulot ? »

« Pour aucune de ces deux raisons, » dit Duran. « Hier, j’ai consulté votre dossier après avoir reçu l’appel de Richmond. J’ai vu que vous alliez témoigner à une demande de libération conditionnelle. C’est bien ça ? »

« Oui, effectivement. C’est pour l’affaire Mueller. Double homicide. »

« Est-ce que c’est la première fois qu’on vous contacte au sujet du boulot depuis que vous êtes à la retraite ? »

« Non, » dit-elle, en étant sûre qu’il connaissait déjà la réponse. « L’assistant d’un agent m’a appelée deux mois après mon départ en retraite pour me poser des questions concernant une vieille affaire sur laquelle j’avais travaillé en 2005. Les types du département des recherches m’ont également appelée quelques fois pour me poser des questions concernant ma méthodologie dans de vieilles enquêtes. »

Duran hocha la tête et s’appuya contre le dossier de sa chaise. « Vous devriez également savoir que certaines de vos premières enquêtes sont utilisées en tant qu’études de cas par les instructeurs de l’académie pour donner leurs cours. Vous avez laissé des traces ici au FBI, agent Wise. Et franchement, j’avais espéré que vous seriez l’un de ces agents qui se mettraient à appeler pour savoir ce que vous pourriez faire pour aider même après votre départ en retraite. »