Ruine par une Peinture

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CHAPITRE TROIS

Lacey tenait à bout de bras son portable qui vibrait avec insistance. Mais elle savait qu’elle ne pouvait plus le remettre à plus tard. Il était temps de faire face aux conséquences.

Elle savait que cette conversation allait être très gênante et elle ne voulait pas que Tom l’entende bafouiller, alors elle décida de sortir dans le jardin pour avoir un peu d’intimité.

Elle laissa Tom dans le magasin, l’air hébété, et se précipita dans la salle des ventes en direction des portes-fenêtres. Au bruit de son passage précipité, Finnbar sortit la tête de la réserve et lui lança un regard perplexe. Lacey ne s’arrêta pas pour expliquer. Elle sortit simplement dans le jardin par les portes-fenêtres et appuya sur le bouton vert.

Elle écouta anxieusement la connexion être établie.

– Bonjour, Lacey, dit la voix froide de sa mère. C’est ta mère. Tu te souviens de moi ? Je suis la femme qui t’a donné la vie. Qui t’a mise au monde.

Lacey inhala. Elles avaient déjà pris un bon départ.

– Maman, avant de dire quoi que ce soit, laisse-moi t’expliquer, dit-elle prudemment.

La personnalité calme et froide de Shirley fit immédiatement place à la colère.

– Expliquer ? cria-t-elle. Il n’y a aucun moyen de t’expliquer sur ce coup-là, Lacey ! Tu vas te marier ? Et tu ne me l’as pas dit ? Il a fallu que je l’apprenne, par accident, par Tom ? Qui, soit dit en passant, répond à mes appels et mes messages bien plus rapidement que toi.

La culpabilité tordait les tripes de Lacey. Elle grimaça.

– Je suis vraiment désolée, maman, dit-elle. Ce n’est pas que je ne te le disais pas. Je ne l’ai encore dit à personne.

C’était techniquement vrai. Puisque Tom avait fait sa demande devant tout le monde à sa fête d’anniversaire, elle n’avait pas eu besoin de le dire à quiconque car tout le monde le savait déjà. Mais un détail technique n’allait pas épargner à Lacey la honte qu’elle éprouvait ni la colère de sa mère méprisée.

– Alors c’est vrai ? demanda Shirley. Toi et Tom êtes vraiment fiancés ?

L’estomac de Lacey se retourna. D’une petite voix pleine d’excuses, elle le confirma.

– Oui. Nous le sommes.

– Je ne peux pas te croire ! cria Shirley.

Lacey écouta patiemment le monologue colérique de sa mère. C’était le moins qu’elle puisse faire vu la façon dont sa mère l’avait appris.

Lorsque Shirley se tut enfin, Lacey saisit sa chance pour se mettre à genoux et implorer.

– Je suis vraiment désolée, maman, dit-elle rapidement avant que Shirley ne puisse reprendre sa tirade rageuse. Ce n’était pas dans mon intention de te blesser. Je voulais te le dire, vraiment, mais… Elle imagina sa lettre à son père. Sa main lorsqu’elle l’avait poussée dans la fente de la boîte aux lettres rouge, pour ne plus jamais la revoir. C’est trop compliqué à expliquer, alors je n’essaierai pas. Je vais juste m’excuser et espérer que tu pourras me pardonner.

À l’autre bout de la ligne, tout était silencieux.

– Maman ? demanda Lacey. Tu es toujours là ?

Toujours rien. Pendant un moment déchirant, Lacey pensa qu’elle avait peut-être fait pleurer sa mère. Mais ensuite, elle entendit une série de bips sur la ligne et le bourdonnement de fond changea.

Ça doit être une mauvaise connexion, pensa Lacey.

– Allô ? essaya-t-elle à nouveau. Tu es là ?

– Oui, je suis là, dit une voix qui n’était pas celle de Shirley, mais celle de Naomi.

– Naomi ? demanda Lacey, choquée. Que faisait sa sœur en ligne ? Qu’est-il arrivé à maman ?

– Je suis là aussi, dit Shirley.

Soudain, Lacey se rendit compte de ce qui se passait ; sa mère avait rajouté sa petite sœur à l’appel pour appeler des renforts. Lacey allait devoir faire amende honorable envers elles deux ! Dans le meilleur des cas, Naomi était dramatique ; il était impossible qu’elle puisse se contenir pour quelque chose d’aussi important que ça !

Lacey était tendue et nerveuse.

– De quoi s’agit-il ? demanda Naomi, l’air confus.

– Dis-lui, Lacey, ordonna Shirley. Dis-lui ce que tu as fait.

– Oh mon Dieu… dit Naomi, dont la confusion fit immédiatement place à la panique. Qu’est-ce que tu as fait ?

– Rien ! se dépêcha de lui assurer Lacey. Elle acceptait pleinement qu’elle était en tort, mais sa mère avait rendu ça inquiétant, comme si elle avait assassiné quelqu’un ! Enfin, rien d’illégal en tout cas.

– Crache le morceau, dit brusquement Naomi. Elle n’était pas du genre à mâcher ses mots.

– Oui, allez, Lacey, ajouta Shirley d’un ton cinglant. Ne laisse pas ta sœur en suspens.

Le cœur de Lacey commençait à palpiter. Elle tira sur le col de sa chemise, qui semblait soudain très serré.

– J-J’ai des nouvelles, bredouilla-t-elle. Tom m’a demandé en mariage. Et j’ai dit oui.

– Quoi ? cria Naomi. Tu es fiancée ?

– Surprise, ajouta doucement Lacey.

Il y eut une brève pause avant que Naomi ne dise, simplement :

– Waouh.

Lacey ne savait pas trop quoi penser de son “wahou”. Elle était surprise, c’était évident. Mais il était presque impossible de savoir si elle était surprise en bien ou mal. Et elle ne lui avait même pas encore dit le pire…

– Je suis en état de choc, murmura Naomi. Tu vas te marier avant moi. Encore. Il doit vraiment y avoir quelque chose qui cloche chez moi si tu peux te marier deux fois avant même que je n’aille jusqu’à l’autel une fois. Mais j’imagine que si je m’engageais précipitamment dans des relations comme tu le fais, j’aurais aussi pu me marier plusieurs fois déjà.

Lacey fronça les sourcils. Elle aurait dû s’attendre à une réponse aussi dépourvue de tact de la part de sa jeune sœur.

– Rien de tout cela n’est le problème, intervint Shirley. Le problème est que Lacey ne nous l’a pas dit. Elle n’allait pas nous le dire du tout. Je ne l’ai appris que par accident grâce à Tom. N’est-ce pas, Lacey ? Dis-lui.

Lacey n’en eut pas l’occasion, car Naomi avait déjà un hoquet dramatique de surprise.

– Tu n’allais pas nous le dire ? cria-t-elle. Pourquoi, bon sang ?

Lacey essaya de s’expliquer, mais sa voix était noyée par celle de sa sœur. Et de toute façon, quelle réponse satisfaisante pouvait-elle vraiment donner ? Elle ne pouvait pas vraiment leur dire qu’elle avait retrouvé leur père disparu depuis longtemps et qu’elle l’avait invité au mariage !

– Depuis combien de temps nous le cachais-tu ? demanda Naomi. Elle avait l’air blessée.

Lacey se mordit la lèvre.

– Depuis mon anniversaire.

– C’était il y a des semaines ! s’écria Shirley d’une voix stridente.

– Oh, Lacey, dit Naomi sur un ton de reproche.

– Écoute ça, interrompit Shirley, qui semblait bel et bien monter sur ses grands chevaux. “Chère future belle-mère. Lacey et moi avons décidé que nous aimerions que le mariage ait lieu au Royaume-Uni. Mais bien sûr, si le voyage vous pose un problème, nous serions heureux de prendre d’autres dispositions. Votre futur beau-fils, Tom”. Tu y crois ? Est-ce que tu peux t’imaginer apprendre le mariage de ta fille par un SMS comme ça ?

– Horrible, dit Naomi avec un “tsss” désapprobateur. Juste horrible.

Dans n’importe quelle autre circonstance, Lacey aurait trouvé le message de Tom adorablement touchant. Mais en cet instant, sous le feu roulant de remarques de la part de sa mère et de sa sœur, elle aurait vraiment aimé qu’il ne mette pas les pieds dans le plat…

Mais en fin de compte, c’était elle qui était la seule à blâmer. C’était elle qui s’était mise dans ce pétrin. Sa famille était très émotive dans le meilleur des cas, mais elle ne pouvait pas vraiment leur reprocher leurs réactions. Elle aurait dû leur dire immédiatement.

Elle s’appuya mollement contre la porte en verre de la serre, pensant encore à la raison pour laquelle elle était restée au point mort. Son père.

Elle donna un coup de pied à une touffe d’herbe sèche qui poussait entre les dalles, alors qu’elle l’imaginait en train de lire sa lettre, puis la froisser et la jeter directement à la poubelle. Lacey donna un coup de pied assez fort à la touffe d’herbe pour qu’elle se détache de l’interstice et projette des bouts de terre séchée sur la dalle.

– Est-ce que tu sais quand tu pourrais le faire ? demanda Naomi.

Lacey marqua une pause. On aurait dit qu’elles avaient fini de la critiquer. Du moins pour l’instant.

– Pas encore, dit-elle, prudemment. Je n’ai pris aucune décision, à part celle de faire de Gina ma demoiselle d’honneur slash chef jardinier. Vous savez que l’automne est ma saison préférée, mais ça voudrait dire attendre une année entière. Le printemps serait trop tôt, l’été est déjà complet, et l’hiver est écarté pour des raisons évidentes.

Lacey attendait, espérant que sa mère et sa sœur en auraient peut-être fini avec leurs remontrances et pourraient célébrer avec elle.

– Assurez-vous que ce soit pendant les vacances de Frankie, d’accord ? dit Naomi, avec un soupir las. Il n’est pas autorisé à louper l’école pendant le trimestre et il serait dévasté de manquer ça.

– C’est bon à savoir, répondit Lacey.

Ce n’était pas vraiment un commentaire festif, mais au moins la déception était passée. Et le coup de téléphone désagréable n’avait pas été entièrement inutile, pensa Lacey en regardant le bon côté des choses. Au moins, elle savait maintenant qu’il fallait s’organiser en fonction des vacances de Frankie. Il n’était pas question qu’elle se marie sans son coéquipier roux. En fait, peut-être que s’il était impossible que son père l’accompagne le long de l’allée, Frankie voudrait le faire. Il était techniquement l’homme de la famille.

– Est-ce que tu as dit que tu avais fait de Gina la demoiselle d’honneur ? s’éleva la voix de Naomi à l’oreille de Lacey.

– Ouais, dit Lacey, qui semblait plus décontractée maintenant qu’elle s’était autorisée à baisser un peu la garde. C’est le choix évident. C’est ma voisine, mon employée, mon amie, ma mentor, ma copine de promenade avec les chiens…

 

La voix de Lacey s’éteignit lorsqu’elle réalisa soudain son erreur. Naomi était censée être la demoiselle d’honneur ! Dans un mariage traditionnel, il était courant que la sœur de la mariée se voie confier un rôle vital. Lacey s’était empêtrée dans un autre faux pas.

– Mais ce n’est pas vraiment gravé dans la pierre non plus, dit Lacey en se dépêchant de se rattraper. Son rôle principal est celui de chef jardinier.

– Huh, répondit Naomi, découragée.

Le mal était déjà fait.

Après quelques minutes de questions auxquelles elle ne put répondre, Lacey raccrocha et retourna furtivement dans le magasin, les épaules voûtées. L’appel lui avait tellement mis les nerfs à vif qu’elle avait l’impression qu’elle pourrait craquer à la moindre provocation. D’autres questions sur le mariage et elle péterait les plombs pour de bon.

Tom se tenait toujours au milieu de la pièce où elle l’avait laissé, avec le même regard de culpabilité horrifié qu’auparavant.

– Je suis vraiment désolé, dit-il immédiatement en avançant à grands pas vers elle.

– Ne le sois pas, dit Lacey en secouant la tête. Ce n’est pas ta faute. C’est la mienne.

La dernière chose dont elle avait besoin était qu’il se sente coupable d’avoir vendu la mèche. Ce qui était fait était fait. C’était mieux de passer à autre chose.

Tom tendit les bras vers elle et la serra fort. Lacey respira son odeur réconfortante avec un soupçon de beurre.

– Je ne voulais rien te compliquer, dit Tom, tout en lui déposant une série de baisers sur le sommet de sa tête. Puis-je venir au cottage ce soir pour te préparer un dîner d’excuse ?

Lacey se dégagea de son étreinte et lui lança un regard sérieux.

– Je te l’ai dit, tu n’as pas à t’excuser, dit-elle. Puis elle remua effrontément ses sourcils. Mais tu peux toujours me faire à dîner.

Tom sourit.

– N’importe quoi pour ma belle fiancée. Qu’est-ce que tu veux ?

– Quelque chose d’automnal, suggéra Lacey.

– Bien vu, dit Tom. Que dirais-tu d’une soupe à la tomate rôtie ?

Le sourire de Lacey s’élargit.

– Ça a l’air parfait.

Juste à ce moment-là, le bruit de papiers et de livres qu’on laisse tomber retentit derrière. Lacey se retourna pour voir Finnbar debout sous l’arcade, entouré de papier. Il avait dû écouter aux portes.

Tom la libéra de son étreinte.

– Je te laisse faire, dit-il en agitant les sourcils d’un air entendu.

Il avait beaucoup entendu parler de la maladresse de Finnbar au fil des semaines.

Il quitta le magasin et Lacey s’approcha de Finnbar. Le jeune homme avait l’air extrêmement mal à l’aise tandis qu’il s’empressait de ramasser ses papiers et ses livres éparpillés.

Lacey s’accroupit pour l’aider.

– Tu as entendu tout ça, je suppose ? demande-t-elle en rassemblant les pages de notes sur le plancher dans un raclement.

– Oui, dit-il gauchement. Est-ce que tout va bien ?

Il avait l’air anxieux. Étant donné que l’incident n’avait rien à voir avec lui, son inquiétude semblait exagérée.

– Entre moi et Tom ? dit Lacey. Oui, tout va bien.

– Ça ressemblait à une dispute, répondit Finnbar.

– Pas vraiment, dit Lacey. Il n’y a pas de raison que je sois en colère. C’était une confusion honnête.

– Je voulais dire l’inverse, dit Finnbar. Tom n’est pas fâché contre toi ?

Sa question perturba Lacey. Tom était celui qui avait eu tort en le disant à sa famille avant qu’elle ne soit prête. Pourquoi serait-il celui qui était en colère ?

– Que veux-tu dire ? demanda-t-elle.

Finnbar remonta ses lunettes sur son nez.

– Eh bien, c’est juste que si j’étais lui, je serais vraiment blessé que tu n’aies pas parlé des fiançailles à ta famille.

Il remit en tas le reste de ses papiers dans ses bras et détala.

Lacey se redressa tout en réfléchissant aux paroles de Finnbar.

Que pensait vraiment Tom du fait qu’elle ait caché la nouvelle à sa famille ? Était-il contrarié et le cachait-il ? Était-il possible qu’elle n’ait même pas eu conscience qu’elle avait blessé son partenaire ?

Elle devrait en discuter avec lui plus tard dans la soirée.

CHAPITRE QUATRE

Ce soir-là, Tom arriva sur le seuil de Crag Cottage avec dans les mains un carton rempli de légumes.

– Qu’est-il arrivé à la soupe à la tomate ? demanda Lacey en prenant une courgette et en l’agitant.

– Changement de plan, dit Tom. J’ai eu tous ces produits pour pas cher parce qu’ils sont difformes. Je me suis dit que j’allais faire une Cassolette de Courgettes Biscornues pour le dîner, si ça te va ?

– Bien sûr que oui ! dit Lacey en riant de son joli nom de plat et de son utilisation du terme français courgette au lieu de zucchini.

Tom entra d’un air affairé avec son carton, négociant son chemin le long du parcours du combattant que Chester créait en se faufilant avec excitation entre ses jambes. Une fois arrivé dans la cuisine sans trébucher, il posa le carton sur le comptoir.

– Quel vin se marie bien avec les courgettes ? demanda Lacey en se dirigeant vers le réfrigérateur à vin.

Tom était un gourmet. Bien qu’il ait consacré sa vie à la pâtisserie, sa connaissance de la nourriture et du vin était assez étendue.

– Un sauvignon blanc, dit Tom en commençant à poser des légumes sur le plan de travail. Ou, à défaut, un pinot.

– Un sauvignon néo-zélandais, c’est bon ? appela Lacey alors qu’elle tirait une bouteille réfrigérée du casier métallique et en examinait l’étiquette.

– Parfait, répondit Tom.

Lacey ramena la bouteille fraîche sur le comptoir et l’ouvrit avec un tire-bouchon. Puis elle leur versa un verre et en tendit un à Tom.

– Voilà, mon fiancé, dit-elle.

Tom posa son hachoir.

– Merci, ma fiancée, dit-il.

Ils avaient pris l’habitude de s’appeler par ce petit nom. Auparavant, ils ne s’étaient pas arrêtés sur un seul surnom, oscillant entre chérie et mon amour, mais dès que Lacey avait eu la bague au doigt, ils s’étaient automatiquement mis à s’appeler “fiancé(e)”.

Tom trinqua avec Lacey.

– Un toast en ton honneur, dit-il. Pour avoir survécu à une conversation téléphonique extrêmement gênante avec ta famille, qui était entièrement de ma faute.

Lacey gloussa.

– À moi, répéta-t-elle.

Elle prit une gorgée de vin, et s’appuya contre le plan de travail tandis que Tom commençait à couper. Pendant qu’elle le regardait, ses ruminations sur la question de Finnbar, plus tôt dans la journée, lui revinrent. Elle se mordilla la lèvre avec appréhension.

– Es-tu contrarié que je n’aie pas parlé des fiançailles à ma famille ? lui demanda-t-elle.

Tom ne leva même pas les yeux de ses courgettes.

– Pas du tout, dit-il.

– Alors ça ne t’a pas fait de peine de découvrir que je ne leur avais rien dit ? insista Lacey.

– Pourquoi serait-ce le cas ? répondit Tom.

Il avait l’air de n’écouter qu’à moitié. Ce qui se comprenait. Être multitâche n’était pas vraiment le point fort de Tom.

Lacey essaya une approche différente.

– Qu’est-ce que tu as ressenti quand tu as découvert que je ne leur avais pas encore dit ?

Tom ne ralentit même pas le rythme auquel il hachait, qui était exceptionnellement rapide.

– Coupable. Pour leur avoir accidentellement dit alors que tu n’étais manifestement pas prête.

Lacey prit une autre gorgée de vin. Elle n’y croyait pas vraiment, et pas seulement parce que Tom ne lui accordait manifestement que 50% de son attention. Il pouvait maintenir jusqu’à la fin des temps que ça ne l’ennuyait pas, Lacey aurait toujours un léger doute.

– Tu l’as tout de suite dit à Heidi ? demanda-t-elle.

Lacey n’avait rencontré la mère avocate de Tom qu’à quelques reprises, et la première fois alors qu’elle se trouvait au poste de police de Wilfordshire, après avoir été arrêtée et injustement accusée de meurtre. Depuis lors, Lacey avait l’impression de rattraper son retard pour que sa future belle-mère l’apprécie.

– Je lui ai dit le lendemain, dit Tom. Et puis j’ai appelé Norah et je lui ai dit plus tard dans la soirée.

Lacey fronça les sourcils. Qui était Norah ? Elle n’avait jamais entendu ce nom auparavant et hésitait à le demander.

– Qui est Norah ? dit-elle finalement.

– Ma sœur, dit Tom, simplement.

Lacey recracha presque son vin.

– Tu as une SŒUR ?

Son exclamation suffit pour finalement arracher l’attention de Tom à sa tâche. Il la regarda, surpris.

– Oui… dit-il en faisant traîner le mot comme si c’était une question. Ma grande sœur. Norah. Tu sais que j’ai une sœur, n’est-ce pas ?

– Non ! s’écria Lacey.

Elle était complètement abasourdie. Lui avait-il dit et avait-elle oublié ? Sûrement pas ! Elle n’aurait sûrement pas oublié quelque chose d’aussi important qu’une sœur ? D’autant plus qu’elle était toujours confrontée aux histoires de sa propre sœur. Si elle avait su quelque chose à ce sujet, ils auraient pu se rapprocher grâce à cela.

– Eh bien, nous ne sommes pas vraiment proches, dit Tom avec désinvolture, comme si cela pouvait être une explication un tant soit peu adéquate pour le manque flagrant de connaissances de Lacey. Je veux dire, techniquement, elle n’est pas du tout ma sœur en fait. Nous ne partageons même pas de gènes.

– Comment ça, vous ne partagez pas de jeans ? demanda Lacey. Quel est le rapport avec tout ça ? Ce serait super bizarre si vous en partagiez, pour être honnête. Les jeans des femmes sont coupés de façon complètement différente et…

Tom l’interrompit avec un aboiement de rire.

– GÈNES ! s’écria-t-il. G-È-N-E-S.

– Oh.

Lacey se sentait stupide. Ses joues devinrent brûlantes. Mais quand elle réalisa ce que Tom était en fait en train de dire, sa gêne fit place à une confusion totale.

– Attends une seconde, dit-elle, en quête d’éclaircissements. Vous ne partagez pas de gènes ? Donc vous n’êtes pas vraiment parents ?

Elle n’arrivait pas à gérer le va-et-vient, de haut en bas, de bas en haut, de ce méli-mélo. Elle aurait beaucoup aimé descendre de cet ascenseur émotionnel dans lequel la révélation choquante de Tom l’avait forcée à monter.

Tom avait l’air de vouloir résoudre un problème mathématique très délicat.

– Elle est ma demi-sœur, dit-il avec considération, comme si c’était la première fois qu’il essayait de donner un sens à tout cela. En quelque sorte. Elle est issue du précédent mariage de mon père, c’est la fille de sa première femme, sa belle-fille. Ce qui ferait techniquement d’elle ma demi-sœur, seulement mon père et sa mère ont divorcé avant ma naissance. Elle est donc un peu comme mon ex-demi-sœur. OU… elle n’a jamais été ma demi-sœur ?

Lacey cligna des yeux. L’histoire de la famille de Tom était pour le moins déroutante. Mais le vrai problème était le fait que Lacey en sache si peu.

– Tu connais un autre terme pour une demi-sœur qui n’a jamais existé ? dit-elle.

– Non ? Quoi ? répondit Tom.

– Rien, dit Lacey en haussant les épaules. Tu l’appelles juste Norah, et je n’ai pas de crise cardiaque.

Tom rit, même si Lacey ne plaisantait qu’à moitié.

– Mais ce ne serait pas juste non plus, expliqua-t-il. Norah a vécu avec mon père et sa première femme pendant la plus grande partie de son enfance. Il était en fait un second père pour elle, et ils sont restés proches même après le divorce. Je me souviens qu’elle m’appelait son frère quand j’étais plus jeune, mais je suppose qu’après la mort de mon père, nous nous sommes éloignés l’un de l’autre. Il y a une grande différence d’âge entre nous, donc ça devait forcément arriver. Il baissa la voix et chuchota en aparté comme s’il révélait quelque chose de scandaleux. Elle n’a que deux ans de moins que ma mère.

Et sur ce, il se remit allègrement à couper ses courgettes.

Lacey se tenait là, complètement hébétée. Elle n’était au courant de précisément rien de tout cela. Tom n’était pas vraiment réservé au sujet de sa famille (bien qu’il ait du mal à parler de son père, qui était décédé quand il était jeune), et pourtant Lacey ignorait tout du fait qu’Heidi était la deuxième femme du père de Tom, et elle ne savait certainement rien de Norah, sa demi-sœur en-quelque-sorte-mais-pas-vraiment ! Aussi distante que soit la relation entre Tom et Norah, elle aurait certainement été abordée au moins une fois au cours de leur relation.

– Tu ne m’as jamais rien dit de tout ça avant, murmura Lacey. Elle se sentait inquiète.

 

Tom haussa juste les épaules.

– Oh, eh bien maintenant tu sais.

Il était typiquement désinvolte.

– Pas ‘oh, eh bien’, répliqua Lacey. Pourquoi est-ce que tu n’as jamais parlé de Norah avant ? Ou du premier mariage de ton père ? Pourquoi est-ce que je ne l’apprends que maintenant ?

Tom s’interrompit en plein geste. Il se tourna vers elle, ses sourcils marrons froncés dans un air interrogateur.

– Tu es stressée, n’est-ce pas ? dit-il en saisissant enfin son état émotionnel. Pourquoi cela t’inquiète-t-il autant ?

Lacey secoua la tête. Elle ne le comprenait pas complètement elle-même. Mais elle avait une vague idée…

– J’ai écrit une lettre à mon père, dit-elle.

Plusieurs secondes de silence passèrent.

Finalement, Tom écarquilla les yeux. Il posa maladroitement son couteau.

– Vraiment ? s’exclama-t-il. Tu as trouvé une adresse ?

Lacey acquiesça. Son cœur battait comme un marteau-piqueur.

– J’ai rencontré quelqu’un à la maison de vente aux enchères Sawyer & Sons qui le connaissait. Il avait une adresse. Il vit à Rye, dans le Sussex.

Alors que tout se mettait à sortir, Lacey sentit qu’un poids énorme lui était ôté des épaules. Elle n’avait pas réalisé à quel point son secret pesait sur elle. Elle se sentait idiote de l’avoir caché au départ.

– Lacey, c’est incroyable ! s’exclama Tom. On devrait y aller. Ensemble.

– Quoi ? dit Lacey, stupéfaite. Non. On ne peut pas faire ça.

– Pourquoi pas ? insista Tom. Tu sais enfin où vit ton père ! Après toutes ces recherches. Tu ne veux pas aller le voir ?

Lacey rechignait.

– Bien sûr, marmonna-t-elle. Son regard se posa sur le pied de son verre de vin qu’elle avait commencé à faire tourner nerveusement entre ses doigts. Mais il n’a pas répondu à ma lettre. Alors je ne sais pas s’il… tu sais… Sa voix tomba encore plus bas. … s’il veut me voir.

– Ah, dit Tom en devenant immédiatement sérieux.

Il la prit dans ses bras. Lacey accepta ce réconfort.

– Voilà une idée, dit-il. Pourquoi n’irions-nous pas ensemble ? Si on en faisait un week-end ?

– Pas question, dit Lacey en secouant la tête contre son torse. Ça m’a pris des semaines rien que pour lui écrire une lettre. Je ne suis pas vraiment prête à frapper à sa porte.

Tom la libéra de son étreinte.

– Et si on regardait sa maison de loin ?

– Non, dit plus fermement Lacey. Je suis désolée, Tom, mais je ne suis pas prête.

– Visiter la ville ? suggéra Tom. Le comté ?

Il s’éloignait de plus en plus et Lacey ne pouvait s’empêcher d’être touchée par ses efforts pour l’encourager, même s’il était un peu insistant à ce sujet.

– Je visiterai le comté, dit Lacey en cédant enfin. Je me sens assez à l’aise pour me rapprocher jusque-là. Pour l’instant.

Tom tapa triomphalement dans ses mains.

– Excellent ! Cela fait longtemps que nous aurions dû faire un voyage et il y a des tonnes de superbes villes balnéaires le long de la côte du Sussex. Et cette fois, ce sera juste nous deux, sans ta famille !

Il remua les sourcils en référence à sa dernière transgression.

Lacey gloussa.

– Tu en parles comme si ça allait se faire, dit-elle.

– Parce que ça va se faire, lui répondit Tom.

Lacey secoua la tête.

– On ne peut pas partir en voyage. On n’a pas de temps libre. On a tous les deux des tonnes de travail à faire, avec Halloween qui approche.

– Tu as raison, dit Tom. Puis il lui fit un sourire malicieux. À moins qu’on y aille demain ?

Maintenant, il délirait ! Ils ne pouvaient pas prendre la route spontanément. Ils avaient des commerces à faire tourner. Des employés à gérer. En plus, la dernière fois que Lacey avait fait quelque chose de spontané, elle avait fini par quitter son travail et déménager dans un autre pays !

– On ne peut pas partir demain, dit Lacey en secouant la tête.

Mais Tom ne cédait pas.

– Pourquoi pas ? Il suffit que nous préparions un sac et que nous prenions la route ! Explorons la côte du Sussex pendant quelques jours. J’ai Emmanuel à la pâtisserie et tu as Finnbar et Gina au magasin, il n’y a vraiment aucune raison de ne pas le faire.

Lacey hésitait. Peut-être que Tom avait raison. Ce week-end était leur dernière chance de s’échapper avant qu’ils ne soient à nouveau super occupés à préparer Halloween. Si elle ne le faisait pas maintenant, alors quand ?

– OK, lâcha-t-elle en se surprenant elle-même. Allons-y.

– Vraiment ? s’exclama Tom. Son sourire s’élargit jusqu’à être ce magnifique sourire éclatant qui avait fait tourner la tête de Lacey quelques mois auparavant.

– Oui. Vraiment, dit-elle. Faisons nos sacs et partons. Pourquoi pas ? L’excitation pétillait dans ses veines. Quel est le pire qui puisse arriver ?