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Les poésies de Sapho de Lesbos

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On veut bien nous accorder qu'elle avait de beaux yeux. Quant à sa taille, les statues qui la représentent nous la montrent sous des formes qui font juger qu'elle était élégante. Est-ce flatterie de l'artiste? Pourquoi ne pas ajouter foi à son œuvre? Cette qualité ne se rencontre guère que chez les femmes d'une stature avantageuse.

Il me semble qu'en réunissant tous ces dons, on peut se représenter une assez jolie femme. Pourquoi d'ailleurs ne serions-nous pas de l'avis de Socrate qui la qualifie de belle? Son jugement en vaut bien un autre.

Chez les Grecs, la beauté était une qualité à laquelle on attachait un grand prix; elle exerçait sur les poëtes et sur les artistes un empire absolu et enflammait leur imagination. Voyez ces statues de femmes que le temps a respectées: toutes sont dignes du ciseau des artistes qui nous ont transmis leurs traits; elles sont toutes belles. Je me plais à me la représenter ainsi et par ses grâces et par son élégance. Mais laissons le domaine des puérilités, pour celui des considérations plus sérieuses.

Si je m'abuse sur sa beauté, je ne me trompe point sur son génie, en le proclamant un des plus beaux de la Grèce.

L'admiration que son génie inspira lui fit donner le surnom de dixième Muse. La postérité a confirmé ce jugement.

Sapho était une femme spirituelle et aimable.

A ces titres, sa maison devait être, de son temps, le rendez-vous de tout ce qu'il y avait de distingué dans les lettres et dans les arts; par l'élégance de son esprit, par ses succès en poésie, ses arrêts, sous le rapport du goût, étaient des lois. Elle contribua en grande partie à la gloire de sa patrie par ses écrits, car elle n'avait point de rivaux en son genre. Quoique Homère eût paru trois cents ans avant elle, dans l'intervalle qui les sépare il y eut disette de poëtes, et elle se présente la première comme un astre resplendissant. Arion s'était éteint, et Alcée pâlissait.

A sa société sans doute furent admis les sages qui, à cette époque, formaient cette pléiade si célèbre dans laquelle on voyait briller les Thalès, les Cléobule, les Anacharsis, etc., et peut-être Thespis, l'inventeur de la tragédie à ses premiers essais.

C'est ainsi que tous ces philosophes, tous ces génies qui se réunissaient chez Sapho, en compagnie des femmes célèbres, ses contemporaines, la plupart ses élèves, les Mégara, les Cydno, les Erynne, etc., préludaient au fameux siècle de Périclès, et en préparaient merveilleusement la splendeur.

Telle était Sapho, femme adorable, dépouillée du romanesque dont on a voulu l'entourer. Je réhabilite Sapho; je ne la dépoétise pas. Perdrait-elle de son prestige? Faut-il penser encore, comme au siècle où la dépravation avait son culte, que la folie et le désordre des passions puissent seuls poétiser un nom glorieux? Elle n'a point de rivale dans l'antiquité; elle n'en a point dans nos temps modernes, quoiqu'il ait paru, parmi nous, beaucoup de femmes d'un grand mérite, et qui ont exercé une grande influence autour d'elles. Rien ne peut être comparé à Sapho.

Ses concitoyens, jaloux d'un mérite aussi éminent et fiers d'une gloire aussi grande, la comblèrent de distinctions, et lui rendirent des honneurs presque divins. On lui éleva des temples, et on frappa des monnaies à son effigie.

Pour mériter de pareils honneurs, il faut bien que ses écrits lui eussent acquis une gloire immense. Si l'on doit s'en rapporter à certains écrivains de l'antiquité, il paraîtrait qu'elle s'était livrée à tous les genres de poésie; mais son plus beau titre de gloire, c'est le recueil de ses odes. Elle en avait composé neuf livres, qu'elle avait consacrés à chacune des neuf Muses.

Je m'applaudis d'avoir pu faire renaître, à son exemple, cette classification, qui était pour Sapho un titre si glorieux et qui devait flatter son cœur.

Elle avait aussi inventé un instrument de musique, nommé pectis, dont la forme et l'usage nous sont restés inconnus.

Anacréon s'en est servi. Elle a inventé le vers saphique et le vers éolique, ainsi qu'une espèce d'harmonie pour le chant.

De tous ses ouvrages, il n'est parvenu jusqu'à nous que deux odes importantes. La première, l'hymne à Vénus, nous a été transmise par Denys d'Halicarnasse, illustre rhéteur qui, dans un commentaire, en fait ressortir toutes les beautés. La seconde, adressée à une amie, nous a été révélée par Longin, qui s'en est servi comme exemple dans son Traité du sublime.

Outre ces deux odes, il nous reste encore d'elle une quantité de fragments qui ont été recueillis dans les œuvres de plusieurs auteurs et dans l'Anthologie, où ils se trouvaient épars.

Ces fragments n'ont eu jusqu'ici qu'un seul mérite, celui de piquer la curiosité des amateurs et des admirateurs de Sapho.

Depuis deux mille ans, ces fragments n'ont point autrement captivé l'attention des commentateurs, des scoliastes, qui se sont occupés spécialement de recueillir jusqu'aux plus petites phrases des grands écrivains qui ont brillé à cette époque éloignée.

Obscur écrivain, m'était-il réservé de découvrir ce qui avait échappé à tant d'esprits éminents et à tant de siècles? M'était-il réservé de révéler les trésors qui se trouvaient ainsi enfouis, et d'extraire l'or caché dans cette mine non exploitée? Ces perles, ces diamants attendaient-ils la main d'un artisan inconnu qui les enchâssât pour en faire mieux ressortir l'éclat?

C'est ainsi qu'en combinant divers fragments, je suis parvenu à former sept odes, sans faire subir à ces fragments la moindre modification, sans ajouter ni retrancher un mot. En réunissant ceux qui, par le sens naturel, se liaient parfaitement, j'ai obtenu des sujets complets, et il en est résulté des odes remarquables par leur cohésion et leur justesse.